Osvaldo nous présente les grandes orientations du travail effectué par Adapicruz avec l’appui de Miel Maya. Il nous parle de l’attention apportée aux petits apiculteurs proches de Santa-Cruz ainsi que d’un cycle de formation de 5 modules qui vient de commencer, destiné principalement aux jeunes. Norma, qui vient du département de Cochabamba, nous explique que là-bas les conditions sont plus difficiles, vu l’altitude, et que les ruches sont fort dispersées.
Nous nous rendons ensuite au siège d’Apicola del Bosque, le bras commercial d’Adapicruz. Nous y sommes accueillis par cinq apiculteurs compétents et intéressants. Les apiculteurs d’Adapicruz peuvent y livrer leur miel et même disposer d’une salle d’extraction mobile. Ils donnent beaucoup d’importance à la traçabilité du miel, qui provient de diverses régions, et garantissent la qualité du conditionnement. Une partie du groupe visite la miellerie tandis que les autres poursuivent l’échange sur divers sujets : varroase, caractérisation des miels etc. Nous comparons nos pratiques, et faisons la part des points communs et des différences.
Le dîner est expédié dans un restaurant d’une grande surface commerciale car nous avons pris du retard et notre troisième rendez-vous nous attend, à la Fondation des Amis de la Nature, FAN. Cette Fondation existe depuis 30 ans et a pour but de préserver la biodiversité dans les forêts. Ses activités couvrent la recherche, l’exécution de projets sur des territoires déterminés ainsi que la communication et la sensibilisation. Daniel, doctorant en biologie, nous présente une étude sur la gestion durable de la forêt bolivienne, en particulier sur la région que nous allons visiter dans la Chiquitania, la vallée de Tucabaca.
Le soir, nous prenons la route vers Arubaï, réserve privée du patrimoine national. La piste est sablonneuse et le 4×4 se révèle bien utile. La nuit ne facilite pas les choses et nous nous égarons mais nous avons deux chauffeurs expérimentés qui finissent par nous conduire à bon port. A l’arrivée, nous sommes accueillis comme des rois dans un endroit paradisiaque. Le feu est allumé et brille dans nos yeux. La table est dressée et la soupe traditionnelle est excellente ! Nous échangeons au coin du feu sous la pleine lune tandis que certains, bercés par notre conversation, s’endorment déjà.
Au réveil, quel émerveillement de retrouver, dans la lumière du soleil cette fois, ce lieu, ces arbres, entre-aperçus hier soir. Le déjeuner traditionnel, préparé en toute simplicité, nous ravit. Bananes frites, yuca (manioc), viande et fromage, un régal ! Avant d’entamer une promenade dans la réserve, Javier soulève le couvercle d’une petite boîte et nous fait ainsi découvrir le monde des abeilles mélipones, ces abeilles sans dards, qui sont les abeilles indigènes. Il en existe plusieurs centaines d’espèces, dont une vingtaine dans cette petite réserve de 500 has.
Javier connaît ce parc comme sa poche et nous montre des nids en hauteur, dans les arbres, ou bien dans le sol. Certains arbres hébergent des fourmis, d’autres, en forme de tonneaux, sont de véritables réserves d’eau. Nous parcourons un fossé d’où s’élèvent des vagues de papillons : un moment extraordinaire !
Cette promenade se clôture par la visite du rucher d’Osvaldo : nous savons à présent ce qu’est une abeille africanisée et sommes rassurés d’être bien protégés par notre équipement de protection !
Après un dîner au marché de Porrongo, nous rencontrons un groupe d’apiculteurs et apicultrices et échangeons sur nos expériences apicoles. Ce groupe-ci pratique la transhumance : les transports de nuit sont parfois mouvementés car les interpellations de la police sont fréquentes, qui suspecte un trafic de drogue !
Au retour, nous traversons la rivière Piray et pouvons constater une fois de plus la compétence des chauffeurs et la performance des voitures louées. Nous passons un chouette moment lorsque nous voyons Benoît s’avancer dans l’eau, peu profonde en cette époque.
Nous nous levons à 5h30 et chargeons les bagages dans les voitures. Sur les toits de celles-ci, Osvaldo et Nilo ont placé les tentes et les matelas, qui forment un gros ballot. Roy, un ami d’Osvaldo, nous rejoint, il va écrire un reportage sur le circuit que nous allons faire dans la Chiquitania, une vaste région située à l’est de Santa-Cruz, qui s’étend jusqu’au Brésil.
A 6h00, nous prenons la route et très vite survient le premier incident, un matelas se détache du toit. Osvaldo court le récupérer et attache plus solidement le ballot. La ville s’éveille peu à peu et à chaque carrefour des marchands ambulants nous présentent miches, boissons, fruits, morceaux de canne à sucre à sucer. Les nombreuses échoppes qui bordent la route s’animent, des passants y prennent leur petit déjeuner. Les arbres ont perdu leurs feuilles, mais le printemps commence, ils sont en pleine floraison, de toutes les couleurs : rouge, orange, rose tendre, jaune.
Nous traversons le Rio Grande et parcourons une région qui a été complètement déforestée dans les années 90 dans le cadre d’un grand projet de la Banque Mondiale visant le développement de monocultures telles que le soja, le sorgho, le blé etc. Les mesures d’accompagnement écologiques de ce projet n’ont pas été réalisées, contrairement à ce qui avait été prévu, et aujourd’hui les sols appauvris sont progressivement reconvertis en pâtures pour l’élevage.
Après un petit déjeuner pris en chemin, nous empruntons, vers 9h30, la piste, bordée de vastes champs de sorgho, maïs et tournesol, qui s’étendent à perte de vue. Il nous faut deux heures et demie de route pour parcourir les 100 km qui nous séparent de San Antonio de Lomerio. La grand-place est dominée par l’église, datant des missions jésuites, qui contraste avec un hall sportif tout neuf à la toiture métallique. Nous continuons notre chemin jusqu’à San Lorenzo, un village qui dépend de la commune de San Antonio, où se trouve l’association d’apiculteurs Apmil, membre d’Adapicruz. Nous sommes accueillis par Elena, apicultrice, qui nous présente notre logement et nous invite à cueillir des pomelos, que nous dégustons sans tarder.
Elena et Emilio nous conduisent au local d’Apmil, où tout le monde se présente, et, après le dîner, nous nous dirigeons vers le rucher, situé à plus ou moins 1 km du village. Malgré l’agressivité des abeilles, nous prenons le temps de réviser plusieurs ruches et d’échanger sur divers points techniques. De retour au local, Emilio nous présente de manière très didactique le calendrier apicole de la région. Il remet à Benoît une demande d’appui au nom d’Apmil et nous fait ensuite visiter la miellerie et la salle d’extraction.
Nous assistons à une soirée culturelle dans le hall sportif, ponctuée de musique locale, de danses et de nombreux discours. Une grande jarre de chicha, boisson traditionnelle préparée à partir de maïs fermenté, est dévoilée : Nilo y puise la chicha à l’aide d’une grande calebasse et se fait accompagner par Benoît qui remet à tous les assistants, un peu plus de soixante personnes, une petite calebasse servant de cuillère. Ce cérémonial nous plaît et constitue le moment fort de cette soirée. Un petit pot de miel nous est remis avec, à l’intérieur, un morceau de rayon du miel que nous avons récolté l’après-midi.
Après un petit déjeuner convivial, nous passons à l’association des femmes de Lomerio, suite à l’invitation de la présidente, Josefa, rencontrée la veille, lors de la soirée culturelle. Nous visitons l’atelier de couture et admirons la qualité des hamacs, sacs et autres objets tissés localement. Nous nous rendons ensuite dans le village voisin, Puquio, où nous avons rendez-vous avec le responsable de l’organisation indigène locale, la CICOL, Centrale Indigène des Communautés Originaires de Lomerio. La CICOL est aujourd’hui titulaire des droits de propriété sur les 250.000 hectares où vivent les 7.000 habitants de ces communautés. Nous sentons à la fois la fierté d’avoir obtenu ces droits et la frustration générée par tous les obstacles bureaucratiques qui empêchent la CICOL et ses membres de réaliser leurs projets.
Ces deux rendez-vous improvisés, très intéressants, nous ont mis en retard sur notre programme alors que nous avons une longue route à faire jusqu’à notre prochaine destination. Osvaldo nous propose de faire ce trajet, de cinq heures, sans faire de pause pour le repas de midi. Nous acceptons sans problème, car les repas servis à Lomerio, tout en étant délicieux, étaient très copieux !
Il est 17 heures lorsque nous arrivons à Chochis, un lieu de pèlerinage situé au pied d’un grand piton rocheux, un site magnifique et grandiose. La lumière du soleil couchant met en valeur les nombreuses sculptures en bois qui nous émerveillent par leur qualité et le soin apporté aux détails. Nous escaladons une partie du piton et, de là, découvrons une vue superbe sur la vallée. Mais au loin apparaît une lumière rouge, celle des incendies de forêt qui se multiplient, suite à des brûlis mal contrôlés. Cette technique de « nettoyage » des cultures, traditionnelle, est aujourd’hui pratiquée à large échelle et est une des principales causes de la déforestation. La route qui nous mène à Roboré, où nous soupons enfin, traverse une vaste zone incendiée.
Il est 21 heures lorsque nous arrivons à Aguascalientes, un site d’eaux thermales, la plus grande source d’eau chaude du Brésil. Nous installons nos tentes dans le camping puis nous allons nous baigner dans une eau à 40°C, qui nous fait beaucoup de bien après ce long trajet en voiture. Ici et là, l’eau bouillonne, elle surgit du sable : il n’est pas conseillé de s’en approcher, car on s’y enfonce comme dans des sables mouvants… Notre sommeil sera ponctué par le passage des longs trains de marchandises qui viennent du Brésil, la voie de chemin de fer est juste à côté du camping.
Nous nous levons à 6h00, accompagnés par le chant des oiseaux, que Jean-Philippe photographie sans relâche. Démontage des tentes, rapide et efficace. Un dernier regard sur les eaux bouillonnantes, noyées dans un voile de brume, et à 7h nous partons pour Santiago de Chiquitos, où nous avons rendez-vous avec Omar, apiculteur d’Adapicruz. Sur la place du village, nous voyons les enfants qui se rendent à l’école ; un peu partout, chevaux, chiens et autres animaux errent en liberté.
Le village est réputé pour sa musique baroque, héritée de l’époque des missions jésuites du 18e siècle et inscrite au patrimoine culturel de l’Unesco. On y fabrique des violons. Toute la semaine prochaine aura lieu, à San José de Chiquitos, un festival international de musique baroque. Nous déjeunons chez un couple d’Américains installés de longue date en Bolivie, Milton et Katreen. Parmi ses multiples activités, Katreen dirige une école de musique. Nous rencontrons une volontaire d’origine espagnole, venue l’aider pendant un mois. Nous apprenons avec surprise qu’elle habite en Belgique, à Liège ! Le monde est un village…
Nous prenons à présent la route vers la réserve de Tucabaca et vers les ruches d’Omar, qui réalise ici un premier essai de transhumance. Vu la grande distance depuis Santa-Cruz, Omar vient ici une fois toutes les 4 à 6 semaines. Aucune erreur n’est permise, une bonne connaissance du calendrier floral de l’endroit est indispensable. Mais le potentiel mellifère de l’endroit est fabuleux, cela en vaut vraiment la peine.
Milton nous accompagne et nous fait un petit topo sur les événements liés à l’évangélisation de la population locale, dont le dernier acte de résistance remonte aux années 50’, marqué par le massacre de 5 missionnaires nord-américains. Nous nous arrêtons dans un lieu magique, au bord du rio de Tucabaca, où des chevaux sauvages viennent s’abreuver. Anne-Marie qui, trop fatiguée hier soir, n’avait pas profité des eaux thermales, n’y résiste pas et, sans hésiter, plonge dans l’eau : quel bonheur !
Arrivés au rucher, nous révisons plusieurs ruches mais, avec les combinaisons, il fait vraiment très chaud ! Omar essaie les gants de Benoît et ce colosse trouve enfin des gants à sa taille : son regard en dit long sur son souhait de les garder ! Chose promise, chose due, les gants resteront en Bolivie, mais à la fin du voyage seulement, car Benoît est allergique et ces gants épais sont une excellente protection contre les abeilles africanisées.
Et nous revoici déjà sur la route du retour. Petite halte au restaurant El Molino, où nous nous étions arrêtés hier soir. Jean-Philippe peut photographier tout à son aise un magnifique toucan qui nous observe. Au loin, un voile de fumée obscurcit le ciel. Le soleil, pourtant encore haut à 4 hres de l’après-midi, est rouge, comme s’il se couchait… Un hélicoptère transporte une nacelle chargée d’eau… : dérisoire tentative de stopper l’incendie qui fait rage, mais nous ne rendons pas encore compte de la gravité de la situation.
Nous voulons faire le plein à la station d’essence, mais celle-ci est paralysée par une panne d’électricité générale qui frappe la région, une des conséquences de l’incendie aperçu hier et qui redouble de vigueur. Des poteaux électriques ont apparemment été brûlés… Nous attendons que le courant se rétablisse, mais l’attente se prolonge. Nous prenons la chose avec philosophie, Jean-Philippe et Christiane en profitent pour récupérer leur retard dans l’écriture des textes destinés au blog.
Par le plus grand des hasards, Osvaldo rencontre un copain à lui, de passage, qui lui refile l’adresse d’un petit revendeur d’essence au village de Chochis, tout près. Après le transvasement de deux bidons, nous pouvons reprendre la route vers Santa-Cruz. Ironie du sort, c’est à ce moment-là que le courant est rétabli ! Tout le long de la route, nous prenons la mesure de l’incendie qui se propage sans répit. Il est 23 hres lorsque nous arrivons à la maison d’Osvaldo. Un grand merci à lui et à Nilo pour toutes ces heures de conduite. Et à Norma qui a entretenu la conversation avec Nilo pour l’empêcher de s’endormir !
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