Mercredi 21 août
La ville de Tarija est « morte » ce matin, aucun véhicule ne peut pénétrer dans le centre, tous les accès sont bloqués, c’est le « paro civico », en protestation contre la candidature d’Evo Morales à l’élection présidentielle[B1] .
Nous nous rendons au siège de l’Association des Apiculteurs de la Réserve de Tariquia (AART), où nous avons rendez-vous avec trois dirigeants. Ils ont participé à la marche de protestation contre l’exploitation du gaz de la réserve de Tariquia et sont très contents de son succès. Parti de la réserve il y a une semaine, le cortège s’est grossi de nombreux sympathisants tout au long du trajet : hier, à son arrivée sur la grand-place de Tarija, il comptait plus d’un millier de manifestants ! La presse locale, le journal El Pais, s’en est fait l’écho en lui consacrant sa « Une » ainsi qu’un article en double page.
Inocencio et Gloria sont responsables de deux filiales de l’association, tandis que Cipriano préside l’AART, qui joue le rôle de fédération. Les communications sont tellement difficiles entre les différentes filiales de la réserve que, jusqu’il y a peu, il était plus commode pour les dirigeants de se réunir à Tarija plutôt que dans la réserve même.
Cipriano nous présente l’association et nous fait part de sa conviction que l’apiculture est une activité intéressante. Paysan, il cultive aussi du maïs, mais c’est pour sa consommation personnelle. Une année où sa récolte de maïs était bonne, il est allé vendre son surplus à Tarija et a dû le céder à un prix écrasé. Son fils, Seferino, que nous avons rencontré à Pampa Grande, partage lui aussi cette conviction. De retour dans son village, il veut vivre de l’apiculture et s’est inscrit au cycle de formation qui vient de démarrer, organisé en particulier à l’attention des jeunes apiculteurs et apicultrices, pour la plupart fils et filles de membres de l’AART.
Cipriano est fortement préoccupé par le coup de froid qui a frappé la région de Tarija au début du mois d’août : il a passé 40 ans et n’avait jamais vu de neige ! Pourtant, la saison avait bien démarré, en juin il avait capturé 13 essaims, mais 7 sont morts… Il nous montre sur son smartphone une vidéo, où l’on voit des paquets d’abeilles mortes.
Véronique y voit les mêmes images que celles qui ont circulé, il y a quelques années, sur les cas de mortalité d’abeilles dans le sud de la France, imputés à l’application du pesticide Gaucho (produit par Bayer qui, par la suite, a racheté Monsanto…). De fait, Cipriano fait état d’une culture de pommes de terre, à 40’ à pied de son rucher, où l’on utilise beaucoup de produits chimiques. D’autres explications circulent, liées à l’origine de la cire ou à d’autres facteurs : cela vaudrait la peine de systématiser tout cela. Justement, une étudiante en agronomie de l’école de La Reid, Laurie, va venir faire un stage de trois mois en Bolivie, sur la certification bio du miel, elle pourrait contribuer à ce travail de systématisation : à suivre ! Il fait froid dans le local de la AART et nous invitons nos hôtes à poursuivre cette réunion à notre hôtel. Après le dîner, chacun profite de cette après-midi libre pour mettre à jour ses notes de voyage ou flâner dans la ville.